Comment combattre la morosine ?
En ce début d'année, le temps, les événements ont de quoi plonger n'importe qui dans la "morosine", terme souvent employé par Maurice Gouiran pour définir l'humeur de son personnage ! Comment combattre cet abattement, cette envie de se replier sous la couette pour fuir un monde qui marche sur la tête ? La lecture est peut-être la solution !
Pour moi, polar "marseillais" rimait avec Jean Contrucci,son sympathique héros Raoul Signoret, reporter au Petit-Provencal, flanqué de son oncle le truculent commissaire Eugène Baruteau, fort en gueule mais qui file doux devant son épouse Thérésou. L'auteur situe ses intrigues au début du vingtième siècle et elles ont un charme désuet dont je ne me lasse pas.
Découvert récemment sur le blog d'Yv, Marice Gouiran nous offre un Marseille plus contemporain et un enquêteur plus désabusé. Clovis, ancien grand reporter, joue maintenant les ermites dans les collines de la Varune. Il soigne sa misanthropie au whisky et se tient éloigné du bruissement de l'actualité. Déboule Emma, jeune fliquette aux allures gothiques qui réveille à la fois une libido en sommeil et une curiosité qui ne demande elle aussi qu'à se réveiller. La police a reçu une vidéo macabre : un homme y est brûlé selon un rituel destiné à susciter horreur et questionnement. Emma demande à Clovis de l'aide et le voilà embarqué dans une enquête qui va le ramener à son passé de journaliste, quand il couvrait le début de la guerre dans les Balkans. La victime, copiste de génie qui inonde le marché de l'art de faux Derain, est aussi un ancien mercenaire, coupable d'exactions au sein de la milice des Scorpions lors du siège de Srebrenica.
L'auteur démonte avec un certain cynisme la mécanique du marché de l'art actuel, les cotes de certains peintres sans rapport avec leur talent, les oeuvres achetées non plus pour leur beauté mais comme simple placement, les salles de vente qui servent, sans vraiment le vouloir, de place où blanchir de l'argent sale. Il nous rafraîchit aussi la mémoire sur cette guerre des Balkans, à la fois si proche et si loin de nous : qui peut se targuer aujourd'hui d'une connaissance réelle de ce conflit majeur des années 1990 ?
J'ai bien aimé ce roman qui appuie là où ça fait mal mais il manque quelque chose pour en faire un coup de coeur. J'ai trouvé le style dans l'ensemble assez plat, l'écriture un peu inégale. Un tout petit bémol...