Le thé au beurre salé...
La quatrième de couverture de ce polar plusieurs fois primé était particulièrement attirante : elle présentait le commissaire Yeruldelgger Khaltar Guichyguinnkhen, qui doit élucider des crimes sordides commis à Oulan-Bator et aussi en pleine steppe, à trois heures de route de la ville. On inscrivait l'auteur dans la lignée de Mankell pour la Suède ou d'Indridason pour l'Islande. J'ai déjà eu l'occasion d'évoquer ma passion pour les romans policiers de ces deux derniers écrivains et mon amour pour la langue islandaise et ses noms imprononçables et impossibles à retenir ! Tous les éléments d'une excellente lecture paraissaient réunis. En route pour la Mongolie !
Le roman débute très fort, le commissaire doit s'occuper du meurtre de trois Chinois, tués d'une balle puis mutilés au cutter. Il a aussi une autre affaire à résoudre.Des nomades ont trouvé une fillette européenne enterrée vivante avec son petit tricycle rose. Perdu au coeur de la steppe, il utilise des méthodes modernes pour prélever des indices sous le regard de la famille qui a alerté la police. Etonnante famille qui regarde Les Experts Miami (leur yourte est équipée d'une grande parabole !) mais qui reste très fidèle aux traditions. Le patriarche confie à Yeruldelgger l'âme de la petite fille, à charge pour lui de trouver ses assassins et de trouver le lieu où doit reposer l'enfant.
Visiblement, l'un de ces crimes doit impliquer des personnes haut placées car très vite, la fille aînée du commissaire est entraînée par une bande de néo-nazis, saoulée et attachée à un conduit d'eau chaude souterrain pour qu'elle cuise à petit feu et meurt ainsi, scénario d'une rare cruauté. Le policier, déjà presque à terre après l'enlèvement et la strangulation de sa cadette, alors qu'il enquêtait sur une vente illicite de terrains, il y a cinq ans, devrait craquer...
Les premières pages se tournent avec une grande rapidité et puis le rythme ralentit. Les personnages sont pourtant bien campés, le commissaire, sa famille, ses partenaires. L'intrigue ne manque pas d'intérêt qui met en évidence la bataille que se livrent les grandes puissances autour des gisements de pierres rares, nécessaires à la fabrication des nouvelles technologies. Si j'ai quelques réticences, c'est à propos des nombreuses répétitions : que de rappels identiques des coutumes mongoles, que de thés au beurre salé bus par nos protagonistes, que de rappels du regard de Yeruldelgger après une remise à niveau intensive de dix jours avec son maître Shaolin . En dix jours, il est (re)devenu quasi -invincible, réconcilié avec la vie et prêt à régler ses comptes sans colère. Cet épisode n'est pas vraiment crédible, dix jours et vous obtenez "un regard d'une incroyable dureté... De la force pure, sans émotion, sans colère. Quelque chose d'une densité minérale à vous pulvériser au moindre frôlement."
Le roman de Ian Manook reste une très bonne lecture, dépaysante à souhait. Dans l'avant-propos, il parle de ses méthodes de travail. Pour ce livre, il n'a utilisé aucune documentation préalable, il s'est servi de ses souvenirs de voyages et de ses lectures. Moi, il m'a manqué les détails précis, presque ethnographiques qu'on trouve par exemple chez Olivier Truc dans ses romans qui se déroulent en Laponie.