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Les battements de mon coeur
20 avril 2015

Atelier n°12

Source: Externe

    En immersion dans son recueil de poésies, Eléonore ne voit rien de ce qui l'entoure. Son bonnet blanc dénote dans ce décor de fin de journée, dans ce bus de banlieue qui la bringuebale sans même qu'elle paraisse s'en rendre compte. Eléonore a décidé d'être" ailleurs" le temps du trajet qui la ramène à la maison, de livrer un combat à la dureté de son quotidien. Chaque soir, elle met KO les humiliations grandes ou petites, professionnelles ou personnelles. Elle les assomme à coups de vers de Baudelaire !

 

   Ce matin, à huit heures, elle a été convoquée par la gérante du salon de coiffure où elle travaille. "Eléonore, mon petit, dans ce métier, si tu veux durer, il ne suffit pas de couper des cheveux... Il faut aussi travailler le "relationnel" ! Parle de la météo, des embouteillages, des potins de Voici mais pitié, arrête de ramener sur le tapis tes lectures. Les clientes, ça les emmerde !

Elévation

Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Par delà le soleil, par delà les éthers,
Par delà les confins des sphères étoilées,

 

Mon esprit, tu te meus avec agilité,
Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l’onde,
Tu sillonnes gaiement l’immensité profonde
Avec une indicible et mâle volupté.

.  Son premier rendez-vous a débarqué avec un quart d'heure de retard , elle a vu apparaître une adolescente presque spectrale, d'une minceur extrême. Elle voulait avoir le crâne rasé. Eléonore a tenté de lui parler, d'évoquer la beauté de ses longs cheveux noirs. Au fond des yeux de la gamine, elle voyait une flamme farouche, une envie de se "saccager" que ses mots n'ont pas su apaiser. Elle a pris conseil auprès de la gérante qui lui a répondu : "du moment qu'elle paye..."

La chevelure

 Ô toison, moutonnant jusque sur l'encolure 

Ô boucles ! Ô parfum chargé de nonchaloir !
Extase ! Pour peupler ce soir l'alcôve obscure
Des souvenirs dormant dans cette chevelure,
Je la veux agiter dans l'air comme un mouchoir !

   A midi, pendant sa pause, elle a mangé son sandwich dans le petit local du salon, au milieu des flacons de teinture et des piles de serviettes. Son portable a sonné plusieurs fois, le numéro de Pierre s'est systématiquement affiché. Elle n'a pas décroché mais lu les sms qu'il lui avait laissés.


Prends du pain avant de rentrer

Putain de matinée, marre de ce job à la con

Réponds ! Tu m'en veux encore de t'avoir traitée de feignasse ?

Déconne pas ! Je pourrais en trouver une mieux que toi...

 

 Faut-il partir ? Rester ? Si tu peux rester, reste; Pars, s'il le faut.

  Cet après-midi, elle a coupé les bouclettes d'un tout petit garçon. Sérieux comme un pape, assis sur les genoux de son papa, il se regardait dans le miroir et montrait de son doigt potelé ses mèches qui tombaient, copeaux soyeux et dorés. Le père avait presque la larme à l'oeil et Eléonore lui a souri pour le réconforter.

   En immersion dans son recueil de poésies, elle se réfugie dans son cocon imaginaire. Une pluie fine martèle les vitres du bus mais elle ne l'entend pas.

 

L'invitation au voyage

 

Mon enfant, ma soeur,
Songe à la douceur
D'aller là-bas vivre ensemble !

Ce texte est ma participation à l'atelier de Leiloona. Mon texte s'inspire de cette photo de Kot.

 

 

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Commentaires
L
Belle idée que de nouer la prose et les vers, ton dernier passage est très beau.
Répondre
V
Très joli texte, j'aime beaucoup ... Bravo :)
Répondre
A
Quel plaisir de chercher parmi les vers de Baudelaire ceux qui pouvaient "consoler" mon personnage...
Répondre
A
Oui vraiment très original, très bons choix, très beau texte
Répondre
A
Merci !
Répondre
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