Le début d'Ahlam m'a laissée dubitative. Un jeune prodige français de la peinture, Paul, s'installe aux Kerkennah en Tunisie. Il vient pour y chercher l'oubli après une rupture amoureuse et retrouver l'inspiration qui a disparu en même temps que la femme aimée.Nous sommes en 2000 et le pays, sous la férule de Ben Ali, est le paradis des touristes, pas celui des autochtones. Il se lie d'amitié avec un pêcheur Farhat et son épouse Nora. Il devient "l'ami" de la famille, prenant sous son aile Issam et Alham, les enfants du couple. L'histoire et le style ne sont pas exempts de poncifs et de platitudes. Le personnage de Paul, ami, puis amant de Alham devenue adulte, mentor, artiste à succès, à la recherche d'une "unicité des arts", m'a laissée de marbre. Il a même failli me mener à l'abandon de ce livre.
Et puis le récit a changé de ton. Dix ans ont passé et les salafistes, "étouffés" sous le régime de Ben Ali commencent à gangrener les esprits, en particulier celui d'Issam. Lui, qui a de l'or dans les mains, dont les tableaux au pastel émerveillent Paul, cède aux sirènes de l'islam radical. Au début, son esprit tente de résister. Il est vrai que l'appel à instaurer la charia vient uniquement de Nourdine, son ami d'enfance. Ce dernier essaie de le convaincre mais sa connaissance du Coran est superficielle, ses arguments grossiers. L'intelligence d'Issam regimbe... Seulement sur sa route, il va rencontrer d'autres personnes, beaucoup plus subtiles, et le poison, insidieusement, va opérer son travail. Issam choisit de faire allégeance à un " émir", de sacrifier sa famille, trop ouverte au monde de l'art et aux valeurs humanistes, de chasser de Tunisie les mécréants, s'il le faut, par le sang.
Cette deuxième partie, plus sombre, parfois effrayante, démonte avec efficacité le mécanisme de "l'embrigadement". Derrière le romancier, l'ancien juge, spécialiste des filières islamistes, met l'histoire au service d'une cause : la lutte contre le terrorisme, contre ces cellules qui attirent de jeunes hommes influençables et les transforment en bourreaux.
Issam est la symbole de ce passage de la lumière à l'ombre, d'une sensibilité et d'un talent dévoyés par la nébuleuse islamiste.
un livre intéressant malgré quelques bémols