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Les battements de mon coeur
16 janvier 2017

Atelier n°64

Source: Externe

Ce texte est ma participation à l'atelier de Leiloona. Il s'inspire d'une photo de Vincent Héque, "fragment' d'une belle exposition.

Là où je suis tombée

Là où je suis tombée demeure ma silhouette éthérée. Nous répétions "Two cigarettes in the dark" de Pina Bausch dans un ancien entrepôt désaffecté. La compagnie ne manquait pourtant pas d'argent mais c'était "tendance", le côté "underground" plaisait au producteur. Moi, le lieu m'importait peu. Au fil des répétitions, mon corps se déliait, adoptait la gestuelle si particulière de la chorégraphe allemande. Je sentais que j'atteignais ce point où je deviens musicale. Soudain, il a fait irruption dans la pièce  immense et m'a tiré dessus. Au procès, il dira : "Elle se pavanait".

Là où je suis tombée demeure ma silhouette éthérée. Nous étions à table pour le repas du soir. J'étais fatiguée après ma journée au magasin. Rester sans cesse debout, le sourire accroché aux lèvres et tenter de décrocher une commission. Aller au devant des clientes et leur vanter notre nouvelle palette de fards à paupières ou notre lipstick corail. Il a repoussé son assiette, les pâtes étaient trop cuites. J'ai répondu et il m'a frappée. Ma tête a heurté le coin de l'évier.
Au procès, il dira : "Elle m'a mal parlé devant les enfants. Elle m'a fait perdre la face."

Là où je suis tombée demeure ma silhouette éthérée. Je rentrais à l'appartement en allongeant ma foulée. Je n'avais qu'une hâte, boire pour éliminer les toxines et prendre une douche bien chaude. J'aime courir en solitaire dans le soir qui tombe, dans les bruits qui s'apaisent. J'entends mon coeur qui bat à un rythme régulier et le sang qui pulse dans mes veines. Je prépare mon premier trail urbain. Il m'a coupée la route et fait des avances. Je l'ai repoussé et il a planté son couteau dans ma poitrine.
Au procès, il dira : "Dans la cité, y'a que les putes qui sortent à cette heure-là."

Là où nous sommes tombées demeurent nos sihouettes figées dans l'instant d'avant : danse, révolte ou mouvement. Si vous ouvrez votre âme, vous nous verrez. Sentinelles fragiles, nous sommes les courants d'air glacé dans le cou des hommes violents.

 

 

 

 

 

 

 

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Commentaires
S
Waouh... Quel texte puissant! <br /> <br /> La construction en écho par ces trois voix donne encore plus de force à ton propos. Bravo!
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V
Whaouhh.j'adore! Ton texte est super . Fort, puissant...Je ne trouve pas mes mots.bravo
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A
Il fait écho à une actualité journalière...
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A
De quoi nous glacer encore un peu plus le sang par les temps qui courent ! (faits d'hiver ou divers...)
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J
Albertine, ton texte est tout simplement superbe ! Que d’émotions ! Un vrai grand BRAVO !
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