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Les battements de mon coeur
13 mai 2018

Une catastrophe n'arrive jamais seule de Laura Norton

Source: Externe

   Attention coup de coeur ! Il s'agit de chick lit et je suis rarement aussi dithyrambique quand j'évoque ce genre. Mais le roman de Laura Norton va au-delà de la trame classique de la comédie romantique. Ces personnages auraient leur place dans un film de Pedro Almodovar ou de Woody Allen. Leur folie, leur démesure, leurs bonheurs éclatants comme leurs malheurs absolus plairaient au réalisateur espagnol. Quant à l'héroïne, Béa, sa logorrhée verbale et ses raisonnements spécieux séduiraient le cinéaste américain. Ces références au cinéma ne sont pas fortuites, je m'imaginais déjà, au cours de ma lecture, l'adaptation de ce roman sur grand écran. Quelques recherches m'ont permis de constater que le premier livre de Laura Norton a d'ailleurs déjà connu cette heureuse fortune.

Béatriz Vélez do Campo, 31 ans, frôle le nirvana au tout début de l'histoire. Elle a quitté sa Cantabrie natale et sa famille survoltée pour une carrière d'architecte à Madrid. Après des années de galère, elle touche du doigt son rêve : le cabinet qui l'emploie vient de décrocher un énorme contrat ( grâce en partie à son travail, même si son rôle est minimisé, voire nié par son employeur) et Victor, son compagnon depuis cinq ans, l'a demandée en mariage. Lors de la soirée organisée pour fêter ce succès, le champagne ne l'aide pas vraiment à se la jouer modeste. Son attitude en horripile plus d'un(e) et un tour au petit coin lui permet de découvrir le revers de la médaille. Elle surprend deux collègues qui évoquent son licenciement prochain et ses fiancailles destinées à faire passer une pilule très amère : Victor va occuper le poste libéré par Béa . Les premières pages sont dans la plus pure tradition de la chick lit. Le tournant va s'amorcer quand Béa, ravalant ses larmes et son orgueil, réintègre le giron familial.

Et là, la prof de Lettres qui sommeille toujours en moi, a fondu. Pour parler du don de sa mère, connaître rien qu'en touchant une personne le mal dont elle souffre, Bea fait référence au réalisme magique. Le REALISME MAGIQUE ! Mon cerveau a bugué pendant un court instant. Une référence littéraire dans une romance : quel bonheur ! Et c'est loin d'être la seule. Je vous laisse le plaisir de découvrir au fil des pages les nombreuses allusions à des auteurs ou des romans connus. J'ai beaucoup aimé ce pari sur l'intelligence et la culture des lecteurs.

J'ai adoré aussi la famille de Béa, la mère et son cabinet de consultation où les honoraires sont réglés en petits plats (pour compenser ses piètres talents de cuisinière), ses soeurs empêtrées dans des situations où le grotesque le dispute au pathétique, son frère, you tubeur célèbre amoureux d'un gendarme à la comprenette un peu lente, son neveu, passionné de moto-cross, mais rongé par un existentialisme sartrien. La maison familiale résonne de discussions orageuses, de diatribes passionnées. Tout ce bruit dissimule en fait une tendresse qui a du mal à s'exprimer. Et pour pimenter le tout, le maître des lieux, le pater familias, en mer huit mois sur douze, prend sa retraite et décide dans la foulée de mettre de l'ordre dans le maelstrom permanent.

Bea est contrainte de jouer à nouveau son rôle dans la pièce de théâtre déjantée que sa famille donne chaque jour en représentation. Comment oublier, dans ces conditions, la trahison de Victor qui roucoule à présent avec une présentatrice télé très connue ? Comment retrouver un travail d'architecte dans la ville de province où habitent ses parents ? Et si la solution se présentait sous la forme d'un trentenaire aux cheveux d'un roux flamboyant, au volant d'une Mercedes rose ?

Autre qualité de ce roman, c'est "la vis comica". Souvent, les écrivains se cassent les dents sur la mécanique de précision qu'est la comédie. Laura Norton a un vrai don pour créer des scènes tout à la fois vraisemblables et d'un ridicule achevé. Les personnages en prennent pour leur grade, et le lecteur sourit, ou même éclate de rire. Qui aime bien, châtie bien. L'auteur malmène ses personnages, mais éprouve pour eux une formidable empathie, perceptible à chaque instant.

Un conseil : profitez de l'été pour dévorer ce livre (qui compte plus de 500 pages et qui pourtant finit trop vite). Il s'accommodera très bien des halls de gare, d'aéroport, des serviettes de plage ou même du transat dans le jardin.

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