La butineuse de l'asphalte...
J'attendais le livre de Julie Estève avec autant d'impatience que d'appréhension. Le titre, énigmatique au premier abord, est tout simplement le nom d'un papillon, qui butine de préférence au crépuscule. Le roman n'a pourtant rien d'un traité sur les lépidoptères, Lola est le "Moro-sphinx". A la nuit tombée, elle quitte ses vêtements ordinaires et se pare de couleurs criardes pour partir butiner, non pas des fleurs mais des hommes. Dans un style à la fois cru et d'une poésie presque brutale, l'auteure nous décrit ses errances nocturnes, l'alcool qui coule à flot et ses rencontres d'un soir où le sexe est rapide, mécanique, frénétique. Lola, après chaque étreinte furtive, coupe un bout d'ongle à la proie butinée, bout d'ongle qui ira rejoindre les autres dans un bocal qui se remplit, se remplit, se remplit.
Petit à petit, cette "folie" fait sens dans l'esprit du lecteur. Lola agit ainsi pour éloigner un temps ses chagrins, les pertes immenses de l'enfance et de l'adolescence. Je me suis sentie "happée" par ce livre, par cette quête désespérée d'un apaisement toujours illusoire. L'écriture est remarquable, de tension, de nervosité, d'intensité.
Lola, butineuse de l'asphalte, est un papillon inoubliable