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Les battements de mon coeur
20 juillet 2015

Atelier n°22

Source: Externe

Ce texte est ma participation à l'atelier d'écriture (n°21) de Leiloona. Il s'inspire d'une photo de Vincent Héquet.

 

   Il l'a quittée, une lettre sur la table de la cuisine, quelques mots laconiques pour lui signifier son "congé". Elle n'a pas cherché à lire entre les lignes, à comprendre les raisons de ce désamour. Elle n'a prévenu personne, a remis son manteau qu'elle avait suspendu à la patère de l'entrée , fermé soigneusement la porte de l'appartement et s'est engouffrée dans les rues de Saint-Malo que novembre assombrissait. Dans sa tête, une phrase qui tourne en boucle "lâcher les amarres, tailler la route, lâcher les amarres, tailler la route". Ses pas ont guidé Delphine vers la gare maritime. Elle est entrée dans le hall et a demandé quand partait le prochain ferry pour Portsmouth. Il y avait une traversée de nuit et il restait de la place, départ dans une heure. 

   Son billet pris, elle s'est installé sur un banc pour attendre, parfaitement immobile. Se minéraliser pour ne plus penser, se pétrifier pour ne pas pleurer. Elle a enfoui son visage dans son écharpe, se concentrer sur la douceur du mohair, se frotter aux tendres fibres. Son téléphone portable a sonné, elle n'a pas ouvert son sac pour le récupérer. Surtout ne pas parler, ne pas ouvrir la bouche où un torrent de mots va jaillir : pourquoi, pour qui, à cause de moi, à cause de lui...

   C'est l'heure de l'embarquement, elle monte à bord du Commodore Clipper et gagne un siège près d'un hublot. Peu de voyageurs sont en partance ce soir pour l'Angleterre et le calme se fait rapidement. Elle regarde les lumières du port qui s'éloignent peu à peu et sombre, sans même sans apercevoir dans un sommeil de brute. Au petit matin, elle se réveille, courbaturée, et décide de prendre un petit-déjeuner, son estomac vide est douloureux. Elle sait que bientôt, le bateau accostera et qu'elle pourra prendre un bus pour se rendre à la plage du Chesil. Enfant, elle y venait toujours en été. Parasol, glacière, cabas, seau, pelle, rateau, son père peinait sous la charge tandis qu'elle prenait son temps pour avancer sur le sentier qui menait à la plage.La main blottie dans celle de sa mère, ses petits pieds nus chatouillés par les grains de sable, elle avait le sentiment que tout était parfait. 

   Comme les oiseaux qui parcourent des milliers de kilomètres pour migrer vers des contrées plus chaudes, Delphine rejoint la contrée paisible de son enfance. Seulement, la plage du Chesil en automne n'a plus l'aspect d'une carte postale mais d'une tableau tourmenté: les nuages filent poussé par un vent violent et le froid l'a saisie immédiatement à sa descente du bus. Elle descend sur la plage et affronte les bourrasques. Elle ne marche plus, elle court, elle court à perdre haleine et quand son corps la lâche, elle se jette à terre, sur le sable mouillé, et laisse les larmes couler.

 

 

 

 

Source: Externe

Ce texte est ma participation à l'atelier de Leiloona. Il s'inspire d'une photo de Julien Ribot.

Tout petit retour avant le 15 août !

Ce texte est la suite de l'atelier 21...

 

   Elle avait très rapidement pris ses habitudes dans ce petit café de Greenwich. La patronne, Emmy, la cinquantaine rondelette et rieuse, la saluait toujours d'un "Hello, Lovely Frenchie !" qui lui mettait du baume au coeur. Delphine s'installait à une place au soleil, commandait un black coffee et sortait son ordinateur.

  Aujourd'hui, avant de se plonger dans la relecture du chapitre 5 de sa thèse en endocrinologie, elle prend le temps de s'attarder sur le soleil qui éclaire les veines du bois de la table, sur le rouge ardent du ketchup et sur les jolis bouquets d'oeillets, à peine ouverts, leurs pétales encore pelotonnés les uns contre les autres.

   Elle caresse machinalement ses cheveux et sa main est chatouillée par les minuscules pointes que la tondeuse a laissées. Elle avait presque oublié ce geste un peu fou, son passage chez le coiffeur et ses longues mèches au sol, comme des laisses de mer abandonnées par la marée. Elle a maintenant un sympathique coupe de hérisson, qui souligne peut-être encore plus ce qu'elle voulait tuer, sa féminité. Son long cou, caché auparavant par son abondante chevelure, semble d'une extrême fragilité et son visage dégagé accroche les regards.

   Non décidément aujourd'hui, elle n'a pas envie de se plonger dans son travail aride de correction... La faute à ce soleil de début juillet qui l'a décidée à arborer la robe et les sandales achetées hier. Elle a perdu tellement de poids depuis novembre dernier que ses vêtements flottent autour d'elle, lui donnant des allures de petite fille qui aurait emprunté les affaires de sa mère. Delphine a choisi une robe rouge à fines bretelles et des tropéziennes marron clair. Dans sa tenue estivale, elle se sent légère. Un rayon de soleil plus audacieux que les autres lui réchauffe la nuque et elle profite de cette tendre chaleur.

   A la fin août, il lui faudra regagner Saint-Malo et son appartement désert. Quitter Londres ne lui paraît plus impossible, sa soutenance en septembre devrait bien se passer et puis après, elle avisera... La "Lovely Frenchie" savoure une gorgée de son café et sourit.

 

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Commentaires
L
Très joli texte sur la résilience ... mais pourquoi rentrer finalement ? :)
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A
Adopter une coupe très courte quand on a eu les cheveux longs, c'est une démarche particulière, je trouve, pour une femme. Cela montre un changement, une rupture, ici, la volonté de faire disparaître une féminité qui n'a pas su retenir l'homme aimé.En même temps, elle s'allège d'un passé douloureux et peut passer à autre chose...
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A
J'aime beaucoup ton écriture. Après je suis un peu comme Titine, cette coupe de cheveux m'intrigue..
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V
Un joli texte pour un début de renaissance bien mérité !
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P
J'aime beaucoup l'image de ce rayon audacieux qui lui réchauffe le cou.
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