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Les battements de mon coeur
19 octobre 2015

Atelier n°29

Source: Externe

Ce texte est ma participation à l'atelier de Leiloona. Il s'inspire d'une photo de Julien Ribot.

      Je me réveille de ma sieste de l'après-midi et vérifie presque machinalement que Crocus est bien au pied du lit.On prend vite des habitudes, cette miss félidée ne cohabite avec moi que depuis une semaine dans la caravane. Un léger souffle soulève les rideaux des fenêtres ouvertes et apporte avec lui l'odeur des arbousiers tout proches. Ils sont redevenus sauvages, les rendre à la civilisation sera une des tâches de l'été. Le chaton s'approche de mon visage et sa langue râpeuse me lèche le nez. Il semble me dire, allez, lève-toi, la journée est loin d'être terminée.

   Je quitte mon cocon, mes draps fleuris et me prépare un thé glacé. J'aime ma minuscule cuisine, ma toute petite table et ses deux banquettes en bois. Dans ce chez-moi temporaire, tout est neuf : des cuillères à café jusqu'aux gants de toilettes ! Cet espace réduit me rassure, me réconforte, il semble n'être fait que pour Crocus et moi.

   Il y a un an, Pierre, mon mari est décédé.

   Je bois mon thé tout en compulsant les catalogues de Lapeyre et de Monsieur Bricolage. Le soleil, à l'extérieur, m'invite à sortir de mon nid. C'est parti pour un énième tour du jardin. Depuis deux mois, je suis la propriétaire d'un terrain de huit cents mètres carrés parti en friche et d'une maison depuis longtemps à l'abandon. Quand mes enfants ont découvert les lieux pour la première fois, j'ai vu l'incrédulité dans leurs yeux. Vendre l'appartement de Rouen pour acquérir ce coin de cambrousse près de Bordeaux leur est encore plus apparu comme une folie.

   Il y a un an, Pierre, leur père, est décédé.

   Mes petits, devenus grands, Paul a 22 ans, sa soeur 25, ne voient ici que broussailles et ruines. Moi, j'imagine un verger à ressusciter, des haies à tailler, des mauvaises herbes à arracher. Je vois la maison se transformer, la saleté et les déchets évacués pour laisser la place à une pièce de vie lumineuse. Je planifie un vaste chantier, des heures de travail acharné, des nuits au sommeil lourd et réparateur.

   Il y a un an, Pierre, mon amour, est décédé.

   Comment poursuivre le chemin sans lui à mes côtés ? Comment ne pas sombrer ? J'ai terminé le tour du jardin, mon carnet à la main. Je note dans celui-ci l'état de chaque plante, les soins à lui apporter ou la décision de la remplacer. J'arrive devant le seuil de la maison et regarde l'intérieur par la porte ouverte. Mes enfants ont parlé de "chaos" pour le décrire. L'endroit ressemble à mon coeur il y a un an. Un miaou me signale que Crocus est déjà dans la place, un miaou qui semble me dire, allez, rentre dans ta nouvelle maison. Elle ne demande qu'à revivre !

   Il y a un an, Pierre est parti et il m'a laissée. Il me faut construire chaque nouvelle journée sans lui.

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Commentaires
A
Construire, avancer, c'est difficile mais salutaire.
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N
Texte émouvant sur le deuil et la construction d'une nouvelle vie... Merci à toi...
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N
J'ai vraiment adoré ton texte avec ce refrain qui le rend touchant. Un beau travail de deuil qui voit déjà un brin de lumière à une nouvelle vie après 4 saisons. Bravo Albertine ;)
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A
Je ne la vois pas admirable mais courageuse simplement.
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A
Quelle femme ! Comme je l'admire ! <br /> <br /> Tu as bien exprimé sa force, et aussi l'incompréhension des enfants.
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